SÉMIOIAS- Exposition, Projet Casa -TNMOA (The National Museum of Africa). (03/2021)
Semioas
Avec
ses semioias, la chercheure-artiste Gaëlle Étémé camerounaise expose pour la
première fois, les fragments de construction d’un module de spéculation en
métaphysique fondamentale, sur la manière dont la pensée fait monde dans
l’incertitude de sa réalité. Organisés ici sous la forme photographique
de quelques morceaux choisis d’un geste conceptuel s’intuitionnant comme trait,
les sémioias sont par leur définition (semio=merveille/signe, ia= abréviation
des IA… soit intelligence artificielle), l’ancre d’une économie du merveilleux où
la lettre s’expérimente comme locus d’une investigation génétique de la forme
comme objet pensant.
Si,
sur le plan de la théorie formelle, le semioia porte la problématique de
l’objectité de la pensée comme génitrice de cosmologies d’entendement
rationalisées dans la concrétude de nos rapports domestiques, il est toutefois
et avant tout, une posture d’attention au moyen duquel cherche à se déployer
une philosophie de l’écriture exprimant l’inauthenticité du monde. En effet, cherchant
à théoriser les paramètres d’un voir spéculatif, la chercheure-artiste a puisé
dans les racines de sa langue maternelle l’éwondo (Cameroun) l’expression
idiomatique « Ma Yen » (« je vois ») exprimant la
complexité d’une expérience sensorielle aux ancrages à la fois pratiques et
cosmiques à partir duquel le semioia peut être pensé comme conscience graphique
d’un acte spéculatif permettant de déployer le concept comme tableau. En plus
de se définir comme « motif » c’est-à-dire mouvement, le
semioia est d’abord une danse, la recherche de la bonne danse dans
l’éclosion d’un sens qui cherche à s’instituer dans la rythmie d’une attention.
Il faut à cet égard pointer que le caractère orchestre de la geste imaginale du
concept s’inscrit chez Gaëlle Étémé d’une part, dans le continuum de la
spéculation fabulatrice féministe, d’autre part, il est en majeur, le produit
de l’influence syncrétique entre le cinéma d’animation japonais, de la
fascination pour le graphisme des alphabets et syllabaires du monde, de la réflexion
calligraphique et de la poétique soufi au carrefour desquels la chercheure
artiste a engagé son enquête d’un étonnement virginal de la pensée dont tous
les froments dit-elle, ont été cristallisés dans son enfance au pays natal. C’est
bien dans le régime de l’enfance où plus d’une centaine de langues locales se
côtoient, que commence l’intrigue de la lettre dans l’archéologie de la pensée,
la conduisant à explorer l’anthropologie, la sociologie, la philosophie, la
théorie du langage, les arts graphiques dont l’expérimentation culmine
aujourd’hui dans la conception d’une expérience en laboratoire de la nature de
la pensée comme graphe.
Le
programme de recherche en métaphysique fondamentale sur la pensée de la pensée dont
nous avons ici que des fragments, nous invite à un déplacement du regard sur l’expression
chimérique d’une équation, d’un concept, d’une idée et plus fondamentalement, de
la force cosmétique de l’énoncé « je ».
C’est bien cette force cosmétique, l’inauthenticité
du monde de la cognition que Gaëlle Étémé s’emploie à rationaliser par
l’illustration. Ici, la spéculation est art et ars, geste et
faiseuse de monde, et en cela, elle n’engage aucune hiérarchie sur la
validité de sa manifestation par un moyen de présentation sur un autre. La
copie et l’original tout comme la variabilité des supports, photo, numérique,
la feuille que tout artiste peut utiliser, ne sont aux yeux de la
chercheure-artiste, que des formes d’attention particulières engageant
toujours, chacune à leur manière et dans la contextualité de leur expression,
une expérience spéculative renouvelée d’un Voir qui se rencontre comme
enchantement dans la précarité axiologique des semblances.
Crédits photo: Mike Patten
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